Depuis maintenant 3 ans, le traité de libre-échange transatlantique (TTIP) fait l’objet de nombreuses critiques du côté européen. En France, citoyens, entreprises, ONG, partis politiques et Président de la République s’opposent au traité dans son état actuel.
La Commission européenne a profité du dernier sommet européen – 28 et 29 juin à Bruxelles – pour connaître la position des 28 gouvernements des pays membres de l’Union quant au maintien des négociations du TTIP avec les Etats-Unis. C’est l’occasion de faire le point sur les tenants et aboutissants de ce traité.
Un accord visant à relancer la croissance
En juillet 2013, les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 pays membres de l’Union Européenne mandataient la Commission Européenne pour négocier un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
Plus connu sous le nom de TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) ou officiellement TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), ce partenariat transatlantique de commerce et d’investissement vise à uniformiser les normes et supprimer les barrières commerciales et réglementaires dans le but de relancer les échanges économiques entre les deux continents.
Le traité comprend 3 parties :
– L’accès au marché : droits de douane et accès aux marchés publics ;
– Les réglementations : normes et spécifications liées à un produit ou service, nécessaires à sa commercialisation dans le pays partenaire ;
– Les règles des échanges commerciaux : exigences sociales et environnementales, règles de concurrence, résolution des litiges entre investisseurs et Etats.
Un projet ambitieux et louable sur le papier mais qui paraît profiter, dans l’état actuel des négociations, davantage aux Etats-Unis qu’à l’Union Européenne…
La fin ne justifie pas les moyens
Le traité de libre-échange transatlantique suscite de nombreuses inquiétudes du côté européen :
– Des négociations opaques : l’accès au traité est limité, surveillé et très réglementé. Avec des menaces de sanctions pénales en cas de divulgation de son contenu.
– Un nivellement des normes phytosanitaires vers le bas : bœuf aux hormones, céréales OGM, volailles lavées au chlore… Quid des impacts sur la santé, sur l’environnement et sur les agriculteurs européens ?
– Le pouvoir des multinationales face aux Etats : les entreprises pourront poursuivre un Etat – mais pas l’inverse – si elles estiment que sa législation nuit à leur activité.
Les documents confidentiels – deux tiers du traité – ont pu être récupérés et publiés par Greenpeace le 2 mai dernier. Ils révèlent des positions divergentes entre les 2 parties et des pressions exercées par les Etats-Unis pour que l’Union Européenne se soumette à leurs revendications.
Un accord défavorable pour les entreprises
Ce sont non seulement les Etats membres et les citoyens, mais également les entreprises qui risquent d’être lésées par ce traité. Les marchés publics en l’occurrence sont un sujet sensible.
Alors que l’accès à la commande publique est ouvert en Europe (près de 90% des marchés publics sont déjà accessibles aux entreprises américaines), les marchés américains sont ouverts à moins de 50%.
Pour Antoine Martin, du portail France Marchés, en l’état actuel du traité, « les PME européennes devront se contenter des miettes ».
Qui plus est, les exigences écologiques et sociales européennes risqueraient d’être perçues – et poursuivies – comme des mesures discriminatoires à l’encontre des multinationales américaines. Lors des appels d’offres internationaux, les collectivités locales seraient alors contraintes de se baser uniquement sur le critère prix. Au péril de l’économie locale.
Un accord jugé inacceptable par la France
Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, dénonce le manque de réciprocité : « sur aucune des demandes qui est faite, ni sur les principes, ni sur la transparence, ni sur la question des tribunaux privés et notre proposition de Cour de justice commerciale internationale, ni sur le respect de l’agriculture, […] ni sur la question de la défense de nos PME pour qu’elles puissent travailler davantage aux Etats-Unis, nous ne sommes satisfaits ou entendus ».
François Hollande lui-même s’est opposé au TTIP dans son état actuel : « S’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et qu’en revanche les Etats-Unis ont accès à tout ce que l’on fait ici, je n’accepterai pas ».
Les intérêts français non pris en compte, les entreprises états-uniennes superpuissantes… Dans ce contexte, ce qui aurait pu être le plus grand accord commercial international risque finalement de ne jamais aboutir.
Pour aller plus loin :
– TAFTA : « L’hypothèse d’une fin des négociations est la plus probable désormais » (Matthias Fekl) – France Info
– TTIP : Bruxelles veut mettre les Etats européens face à leurs responsabilités – Le Monde